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Des éléments positifs visibles sur la gestion du potentiel naturel productif mais une pérennité encore incertaine

La récupération des terres dans les sites à risques

Les infrastructures de restauration et de conservation des sols étaient prévues initialement en amont des ouvrages d’irrigation. Pour les raisons expliquées précédemment, elles ont souvent précédé l’identification même des seuils. Mais même si les réalisations de 2018 à 2020 sont relativement ponctuelles et localisées, elles présentent cependant l’avantage d’être situées sur des sites à risque. Elles sont positionnées principalement en amont et en aval des zones agricoles cultivées et/ou en amont des villes comme Agadez. Des interventions comme celles de Tassakh Ntalamt où sur deux plateaux contigus 1500 voire 2000 hectares sont traités d’un seul tenant tendent vers une approche de protection du bassin versant de la ville d’Agadez.

Du point de vue technique, après la réalisation des demi-lunes et suite aux premières pluies, il s’observe dans un premier temps dans tous les sites une reprise du tapis herbacé constituée des espèces graminéennes dont les graines sont en réserve dans le sol. Des ensemencements des espèces d’herbacées résultent des recouvrements variant de 40 à 100 %.

Le semis direct des ligneux avec épandage de fumure organique et les ensemencements intensifs d’herbacées dans la région d’Agadez semblent être les meilleures alternatives biologiques. Les principales espèces ligneuses qui ont bien germé ont des taux de réussite spectaculaire variant de 30 à de 60 % ce qui est bien supérieur à ce qui pourrait être obtenus par plantation, par ailleurs plus coûteuse, dans ces contextes arides.

Toutefois la question du gardiennage des sites récupérés (pour empêcher notamment le pâturage prématuré ) que ce soit à Tahoua ou à Agadez reste un défi. Le suivi par l’expertise en ingénierie sociale tend à montrer que le gardiennage s’amenuise au fil du temps faute de prise en charge de la rémunération des gardiens par les communes comme initialement prévu (le PPR ne prenant en charge le gardiennage que la première année ).

Des ouvrages d’irrigation de qualité qui améliorent les capacités de production

Aux dires des bénéficiaires, les ouvrages d’irrigation réalisés sont de qualité. « On n’avait pas encore eu des ouvrages qui paraissent aussi solides ». (Producteur de la région de Tahoua).
Ces appréciations sont entérinées par les Services techniques déconcentrés. Outre la qualité technique des ouvrages, les effets positifs en termes de remontée de la nappe phréatique que ce soit à Tahoua ou à Agadez sont affirmés par les Services et par les bénéficiaires. La récolte des données piézométriques n’est pas systématique, cependant des éléments issus du suivi d’une dizaine d’ouvrages un an après leur réalisation indiquent des relèvements entre 4 et 5 mètres sur les ouvrages de Tahoua et entre 6 et 10 mètres sur Agadez en saison sèche. Ces performances autorisent la production de manière moins pénible et moins coûteuse et plus longuement dans la saison.

Le PPR n’a pas pu, contrairement à ce qui été prévu initialement, accompagner la mise en valeur des sites. « Mais, nous n’avons pas attendu ». (producteur de Goffat). Les producteurs ont commencé dès que possible la mise en valeur des sites aménagés à travers l’installation d’équipements personnels (puits maraîchers, forages, …).

Selon le « Rapport d’évaluation de la mise en valeur des seuils mis en place par le projet pôles ruraux dans la région de Tahoua » élaboré par la DRA de Tahoua en mai 2022, sur la base d’une superficie potentielle de 11 661 ha autour des 39 seuils achevés depuis une année au moins, une superficie de 2 477 ha était emblavée avant leur réalisation contre 3 776 hectares après (soit une augmentation d’un peu plus de 51%). Sur les 39 des seuils réalisés, huit (8) seuils sont de nouveaux sites d’exploitation. En termes de maraîchage, les principales cultures restent l’oignon, la dolique, la tomate, les courges et le chou. Selon ce même rapport, au total 2 7142 tonnes étaient produites avant la réalisation des seuils contre 5 7195 après, soit un peu plus du double avec dans les deux cas une prédominance en quantité de l’oignon qui représente respectivement 58% et 80% du total. La sortie de ce rapport étant intervenue fin juin, il n’a pas été possible de discuter de ces résultats avec la DRA. En résumé, la mise en place des seuils dans la région de Tahoua un an après leur mise en place aurait donc eu pour effets une augmentation de 50% des surfaces emblavées et un doublement de la production totale (avec une augmentation de l’oignon semble-t-il au détriment notamment de la tomate).

Le nombre de producteurs autour des ouvrages de Tahoua est évalué à environ 4 550 dont 8% de femmes. Il est difficile de savoir si l’on parle de producteurs individuels ou s’il est fait mention de ménages avec un partage des surfaces (et des revenus associés lors de la mise en culture) au sein de l’unité familiale. Le nombre de « producteurs » avant réalisation n’est pas évoqué. Lors des entretiens à Tahoua, il a en effet été surtout fait mention par les producteurs rencontrés d’augmentation des surfaces par producteur. Pour rappel, le PPR n’a pas conditionné son appui à un nouveau parcellaire, la structure foncière préexistante étant conservée. Il a cependant été promu l’installation des jeunes (voir Axe de capitalisation sur la Jeunesse) et l’amélioration de la sécurisation foncière des jeunes et des femmes

Le même type d’étude n’a pas été conduit pour Agadez, il n’existe donc pas de chiffre disponible sur la situation après réalisation des seuils d’infiltration. Avant réalisation, la DRA d’Agadez estimait les producteurs à environ 3 130 (dont 12% de femmes) autour des 19 seuils envisagés pour une superficie potentielle de 2 000 hectares. répartis en 1888 jardins (dont 1594 actifs et 294 jardins non actifs). Trois saisons de culture sont distinguées : la saison des pluies où prédominent l’oignon, la tomate et le maïs ; la saison froide avec la pomme de terre, la tomate, le blé et les salade, la saison chaude pendant laquelle sont produits principalement l’ail, les courges, les pastèques. Des variations existent par saison selon la profondeur de la nappe dans les différents sites. Après réalisation des seuils, les bénéficiaires rencontrés et les participants à l’atelier de capitalisation s’accordent à dire que les principaux effets sont dus à la remontée de la nappe qui augmentent les saisons de production et diminue la pénibilité et le coût de la mise en valeur. Un autre point essentiel est la consolidation des berges empêchant l’inondation des jardins et permettant la récupération de surfaces cultivables.

« Depuis longtemps, nous avions abandonné des jardins puisque l’eau les recouvrait après les écoulements, maintenant on les a récupérés et on peut cultiver. Cela nourrit nos familles et nous permet aussi de vendre" (Producteurs de Goffat)

En résumé, sur Agadez, il semble que le potentiel productif soit aussi amélioré en termes de capacité de production sur les différentes saisons et sur les superficies utilisables.

Ces résultats positifs ne doivent pas faire oublier que le PPR n’a pas pu intervenir sur l’amélioration de la mise en valeur dans la durée qui lui était impartie et qu’un appui des producteurs dans ce domaine est sans aucun doute nécessaire, aux dires des services techniques de l’Agriculture. Il s’agirait surtout d’améliorer les techniques d’irrigation en optimisant les outils d’exhaure existants ou en aidant à l’adoption d’autres équipements plus performants. Du conseil technico-financier à l’exploitation serait également nécessaire afin d’améliorer le rendement économique des exploitations et gérer le plus efficacement possible les intrants.

Par ailleurs, le défi de la gestion et de l’entretien collectif des ouvrages reste à relever. Même si des engagements ont été pris entre usagers (via leur COGES) et collectivités sur la gestion et l’entretien des ouvrages, ceux-ci restent insuffisamment formalisés et les dispositifs de suivi trop peu précis. La pérennité des effets des ouvrages, comme le montrent les nombreuses expériences au Niger et dans la sous-région passe par une maintenance efficace et celle-ci, à ce jour, n’est pas garantie