Accueil /Formation et accompagnement des jeunes /L’accompagnement par le mécanisme de financement à coût partagé (FCP) / L’opérationnalisation du mécanisme de FCP auprès des jeunes formés

L’opérationnalisation du mécanisme de FCP auprès des jeunes formés

Lors de l’atelier de capitalisation du 23 mars 2023 organisé à Agadez, d’importantes difficultés relatives à l’opérationnalisation du mécanisme de FCP ont été mises en évidence. Ces difficultés ont par la suite été confirmées lors des entretiens individuels et collectifs avec les différentes parties-prenantes au projet.

Il ressort en particulier les difficultés suivantes :

 Des difficultés pour certains jeunes à mobiliser l’apport personnel attendu de 5%, ce qui se traduit, dans certains cas, par des prêts contractés pour réunir la somme (auprès de la famille notamment) ou des ententes avec les fournisseurs.

« Une pratique qu’on observe, et qui n’est pas nouvelle mais qui est problématique dans le cas d’un crédit (versus une subvention) ce sont les ententes entre les jeunes et les fournisseurs. A Madaoua par exemple, des jeunes n’arrivaient pas à réunir leur apport personnel. Ils se sont entendus avec un fournisseur. Ce dernier a versé l’argent. Ensuite, quand le crédit a été obtenu, il a récupéré les 20% de fonds de roulement. Mais les 20% dépassaient de loin l’apport personnel demandé, sauf que les jeunes ne le savaient pas. Il y avait une différence de 800 ou 900 000 FCFA. On a appris ça et on a cherché à comprendre ce qui s’était passé. On s’est rendu compte que cela avait dû se faire avec la complicité d’un agent de l’IMF, s’est remonté jusqu’à la mairie. La mairie a demandé au fournisseur de rembourser la différence. ». (Entretien CRA de Tahoua, mars 2023).

 Des difficultés pour les jeunes à identifier des fournisseurs dans leur localité (manque de fournisseurs et puisatiers au niveau de certains sites de production ; non-respect des engagements des IMF/Banque vis-à-vis des fournisseurs - non-paiement après la réception).

 Des risques de surendettement de certains jeunes, en raison d’une surestimation des besoins pour des primo-emprunteurs et/ou d’abus de certains fournisseurs (prix élevés de l’équipement). A ce niveau, des mesures de mitigation ont rapidement été prises par les CRA, telles que notamment : l’introduction des « pré-visites », la mise à disposition des jeunes de prix référencés, une sensibilisation sur les risques d’entente avec un fournisseur dans le cadre d’une demande de crédit.

« Chaque conseiller fait des fiches de pré-visites individuelles en allant avec le jeune sur le terrain. On essaie d’expliquer aux jeunes que c’est du crédit et qu’il aura la possibilité de faire un second crédit par la suite, qu’il n’a pas besoin de trop demander tout de suite. (...) Pour nous c’est la production qui doit rembourser le crédit. Il faut éviter la décapitalisation (par ex par la vente d’un animal pour rembourser). Et il faut que le jeune vive aussi, il ne peut pas que rembourser. ». (Entretien CRA de Tahoua, mars 2023).

 Des délais importants dans l’octroi des crédits qui peuvent être à l’origine d’impayés pour certains jeunes emprunteurs et aussi jouer sur la motivation des cohortes de jeunes formés suivantes : Théoriquement, le délai entre le dépôt du dossier et l’obtention du financement est un délai d’1 mois. Dans la pratique, il semble que les délais d’octroi aient été beaucoup plus longs, allant parfois jusqu’à plus d’1 an. Par ailleurs, les entretiens ont mis en évidence l’existence d’un décalage entre l’octroi du financement pour l’achat des équipements et l’octroi du fonds de roulement pour la mise en fonctionnement de ces équipements, certains emprunteurs n’ayant reçu le fonds de roulement de 20% que plusieurs mois après la réception des équipements.

« En théorie quand le financement est acquis, l’IMF devrait remettre le fonds de roulement. En novembre on fait les livraisons, en octobre les jeunes ont besoin d’acheter les semences, le carburant, etc. C’est là qu’ils devraient avoir les fonds de roulement, mais les IMF ne font pas. ». (Entretien CRA Tahoua, mars 2023).

A dire d’acteurs, ces délais rallongés pour l’octroi des crédits ont largement découragé certains jeunes à poursuivre la formation jusqu’à son terme :
« Quand certains jeunes qui suivaient la formation ont constaté que les précédentes cohortes de jeunes n’avaient toujours pas obtenu le versement de leurs fonds, ou encore que leur dossier était en souffrance au niveau des IMF, cela les a découragés et certains ont décidé d’arrêter la formation en cours de route » (Entretien CRA Agadez, juin 2023)

Par ailleurs, des clauses relatives aux périodes d’octroi du crédit ont été introduites dans les conventions entre les IMF/Banque et le projet, en particulier pour que l’octroi du crédit soit calé sur le calendrier agricole. Des décalages ont cependant été observés entre la période d’octroi de certains crédits et le calendrier agricole dans lesquels les projets de maraichage des jeunes sont insérés, ce qui peut se traduire par des difficultés importantes pour les jeunes à rembourser leur crédit hors période de production.

« Un des points faibles, à part le retard de financement, c’est que le crédit n’est pas accordé au moment opportun, alors que l’IMF, elle, demande le remboursement tout de suite. Si tu prévois de faire la campagne d’hivernage et qu’on te finance en décembre, c’est un vrai problème. Les équipements sont usés avant même la campagne. C’est un gros regret car l’agriculteur a un temps. Dans les conventions, les périodes sont indiquées, ainsi que les risques si l’emprunteur ne paye pas. Cela entraîne des impayés car le jeune a ses périodes. C’est difficile de rembourser en période de soudure. » (Atelier de capitalisation, GT sur la formation et l’accompagnement des jeunes, mars 2023).

 Les faiblesses relatives au suivi du recouvrement des crédits par les IMF/Banque : Des entretiens réalisés au cours de la mission de capitalisation, il ressort que les IMF/Banques peinent, dans la pratique, à réaliser les visites préalables à l’octroi des financements et pour leur recouvrement, faute de moyens humains et roulants et en raison de la taille du territoire, de l’importance des distances à parcourir et des difficultés de communication dans certaines zones (réseau téléphonique). Et ce en dépit des moyens qui leur ont été octroyé par le projet à cet effet. Dans certains cas, les conseillers de la CRA peuvent être amenés à réaliser des passages occasionnels pour suivre la conduite des activités, mais ces visites ne sont pas régulières et ne concernent que les jeunes situés sur des sites relativement proches. Les conseillers des CRA peuvent également être sollicités par les IMF/Banques en cas de situations d’impayés. Ils peuvent alors être amenées à prendre attache avec le chef de village pour l’informer de la situation et l’inciter à la régulariser ... Cette action dépasse néanmoins leur mandat initial...

 Des enjeux d’inclusion financière des jeunes qui n’ont pas suffisamment été pris en compte : (i) Un élément mis en évidence lors de la mission de capitalisation concerne notamment l’absence de module d’éducation financière dans la formation délivrée par les CRA et qui aurait pu contribuer à sensibiliser les jeunes futurs emprunteurs aux enjeux du crédit et à la gestion de leur activité. Les jeunes femmes en particulier ne connaissent pas forcément systématiquement le montant du crédit qu’elles ont demandé, les échéanciers de remboursement et le montant des remboursements ; (ii) Les objectifs relatifs au développement de relations contractuelles entre les IMF/Banque et les jeunes primo-emprunteurs ont été limités par l’existence, pour un certain nombre de jeunes, de demandes groupés via l’adhésion ou la création de groupements : seuls les représentants de ces groupements ont été amenés de fait à échanger directement avec les IMF/Banque. Par ailleurs, parmi les jeunes interviewés au cours de la mission, une partie avait clôturé son compte courant après avoir remboursé son crédit, et l’autre n’avait pas connaissance de sa situation.